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mercredi 18 juin 2014

Le tabagisme actif et passif est un facteur de risque majeur du cancer du sein

Le président du collège de la Haute Autorité de Santé (HAS), le professeur Jean-Luc Harousseau, a décidé arbitrairement de ne pas retenir le tabagisme comme facteur de risque du cancer du sein. Sur France Info, il a déclaré que : « De nombreuses études montrent que le tabagisme entraîne soit pas d’augmentation, soit une augmentation modeste du risque. Ce qui ne justifie pas de modification de la stratégie actuelle du dépistage organisée » (1).


Cette déclaration est parfaitement erronée et s’oppose totalement à la réalité de la pratique médicale quotidienne et aux centaines d’études scientifiques réalisées depuis 1985. Parmi les 164 articles concernant le tabagisme et le cancer du sein, les auteurs de 129 publications concluent qu’il existe une relation entre le tabagisme et le cancer du sein (2). 27 études concernent aussi le tabagisme passif. A l’inverse, 35 études n’objectivent pas de relation entre le tabagisme et le cancer du sein. 7 concernent le tabagisme passif.Ce qui signifie que près de 80 % des publications scientifiques mondiales confirment non seulement que le tabagisme est un facteur de risque mais que c’est un facteur de risque majeur du cancer du sein!
Les principales conclusions de ces 129 articles sont les suivantes ; le tabagisme, actif et passif, actuel ou passé, constitue un facteur de risque ou un cofacteur du cancer du sein. Il favorise des mutations génétiques identifiables dans les cellules mammaires qui augmentent le risque de transformation en cellules cancéreuses. Le tabagisme actif et/ou passif favorise la survenue plus précoce du cancer du sein avant la ménopause notamment chez les femmes présentant une susceptibilité génétique. Le risque du cancer du sein est surtout augmenté lorsque la femme a fumé ou a été enfumée à l’adolescence et/ou lors de ses grossesses parce que le tissu mammaire est alors beaucoup plus sensible à l’action des cancérigènes de la fumée de cigarette. 
Le tabagisme actif et passif augmente la gravité de la maladie, les complications et la résistance à la chimiothérapie et à la radiothérapie, les complications post-chirurgicales, les récidives et la mortalité liée au cancer du sein ou à d’autres pathologies liées au tabagisme. Le risque d’un cancer du sein est plus élevé chez des femmes dont le conjoint fume et s’il a présenté un cancer notamment du poumon. De même, une femme a plus de risque de présenter un cancer du sein si elle a elle-même présenté un cancer du poumon. Le tabagisme augmente la survenue d’un cancer du poumon après une radiothérapie pour cancer du sein. Le tabagisme augmente le risque de métastases pulmonaires des femmes présentant un cancer du sein.
Devant cette déferlante de preuves scientifiques, la décision de l’HAS est pour le moins irresponsable compte tenu des graves conséquences en terme de santé publique qui en découlent. Et déjà, dans la presse, comme une trainée de poudre, l’on assure que le tabagisme ne favorise pas le cancer du sein  alors que 4 publications scientifiques sur 5 affirment le contraire!
La justification de sa décision est qu’il existe des études qui ne montrent pas de lien entre le tabagisme actif et le cancer du sein. Mais, c’est le cas dans tous les domaines scientifiques et surtout dans le domaine de la pathologie liée au tabagisme !
En effet, tous les spécialistes du tabagisme savent que l’industrie  du tabac a payé et continue de payer des milliers de médecins et de scientifiques dans le monde pour produire des publications basées sur des études falsifiées afin de nier ou minimiser les conséquences du tabagisme actif et passif (3-4). Des millions de documents internes, provenant des archives de l’industrie du tabac, ont été saisis lors des procès aux Etats-Unis. Ce qui a permis de  découvrir l’ampleur de la corruption du monde scientifiquemais aussi du monde politique.
En 1998, Déborah E. Barnes a passé en revue 106 articles, publiés entre 1980 et 1995, traitant des effets sur la santé du tabagisme passif, afin d'étudier pourquoi certains articles arrivent à des conclusions contraires à celles reconnues par le consensus scientifique. La conclusion de l'étude est sans ambiguïté : l'affiliation de leurs auteurs à l'industrie du tabac est le seul facteur qui distingue les articles qui présentaient  des conclusions diamétralement opposées (3).
En Suisse, le Professeur Ragnar Rylander, spécialiste de santé publique, a été payé pendant toute sa carrière par Philip Morris pour trouver d’autres causes plausibles que le tabagisme dans la survenue des cancers notamment du poumon. Ses publications falsifiées sont toujours référencées dans les bases de données scientifiques alors qu’il a été exclu de l’université de Genève !
Le docteur Franck Sullivan en Angleterre a minimisé le rôle du tabagisme passif dans la survenue de la mort subite du nourrisson. Il a été retrouvé dans les archives une de ses publications avec les corrections proposées dans la marge par un responsable de Philip Morris (5). Cet article qui a été cité dans des dizaines articles scientifiques, a durablement altéré le jugement des médecins, des chercheurs et des autorités sanitaires sur les risques réels de l’exposition à la fumée passive pour le nourrisson. Ce qui a retardé l’avertissement des parents fumeurs et a maintenu une mortalité élevée par mort subite du nourrisson. 
L’analyse des études qui ne retrouvent pas de relation entre le tabagisme et le cancer du sein, montre l’existence bien plus fréquente de biais méthodologiques qui sont à l’origine de conclusions erronées. Par exemple, il n’est pas rare que dans les questionnaires d’évaluation de l’intoxication tabagique, une seule question soit posée du genre « fumez-vous ? ».  Bien évidement, si le patient a arrêté de fumer la veille ou un mois auparavant, il n’est pas inclus dans le groupe « fumeur ». Ce qui est un moyen facile de fausser l’analyse statistique en faisant disparaître les différences significatives entre le groupe « fumeur » et « non-fumeur » qui comprendra en fait de nombreux ex-fumeurs.
Par conséquent, ne pas de tenir compte de la réalité des publications falsifiées et/ou biaisées lorsqu’on réalise une analyse de la littérature scientifique concernant le tabagisme, c’est accepter d’officialiser et de participer à la diffusion des désinformations produites par l’industrie du tabac. De toute manière, les preuves des liens entre le tabagisme et le cancer du sein restent largement prépondérantes et ne pouvaient en aucun cas aboutir à une telle négation de la part de la Haute Autorité de Santé.
Aux Etats-Unis, il y a déjà 9 ans, avec moins de données scientifiques, l’Agence Américaine de Protection de l’Environnement (APE) avait statué que le tabagisme actif et passif constitue un facteur de risque du cancer du sein (6). D'autres pays comme le Canada et l'angleterre ont aussi confirmé les relations entre tabagisme actif-passif et cancer du sein.
De plus, l’INSERM vient de confirmer en mars 2014 sur son site que l’association entre le tabagisme et le cancer du sein ne fait plus de doute (7). Se référant à une étude multicentrique sans précédent qui a impliqué 46 scientifiques de 11 pays européens et l’inclusion de 320 000 femmes, Laure Dossus et ses collaborateurs concluent qu’en terme de cancer du sein « le tabagisme passif est aussi toxique que le tabagisme actif » (8). Le Pr David Khayat, concérologue,  a effectué une intervention sur France 2 le 25 mars 2014 pour confirmer les résultats de l'étude de l'INSERM et expliquer pourquoi les fumées inhalées favorisent une multitude de cancers y compris le cancer du sein. Il est d’ailleurs surprenant que les responsables français de cette publication magistrale soient restés silencieux après la déclaration de Jean-Luc Harousseau qui a décidé d’ignorer leurs travaux sans autre forme de procès et que l'annonce de l'HAS survienne juste après l'annonce de l'INSERM. 
Compte tenu de l’importance des preuves scientifiques, la décision de la Haute Autorité de Santé de nier que le tabagisme est un facteur de risque du cancer du sein est incompréhensible et inacceptable parce qu’elle constitue un préjudice considérable pour la santé des femmes en France. Je demande au Ministère de la Santé l’annulation des conclusions iniques de ce rapport et la reconnaissance officielle du tabagisme actif et passif comme un facteur de risque du cancer du sein.
Ce qui permettra une prévention mieux ciblée et un dépistage plus précoce du cancer du sein chez les femmes à très haut risque qui devra inclure celles qui ont fumé ou qui ont été enfumées au cours de leur existence.

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