Le président du collège de la Haute Autorité de Santé (HAS), le professeur Jean-Luc Harousseau, a décidé arbitrairement de ne pas retenir le tabagisme comme facteur de risque du cancer du sein. Sur France Info, il a déclaré que : « De nombreuses études montrent que le tabagisme entraîne soit pas d’augmentation, soit une augmentation modeste du risque. Ce qui ne justifie pas de modification de la stratégie actuelle du dépistage organisée » (1).
Cette déclaration est parfaitement erronée et s’oppose totalement
à la réalité de la pratique médicale quotidienne et aux centaines d’études
scientifiques réalisées depuis 1985. Parmi les 164 articles concernant le
tabagisme et le cancer du sein, les auteurs de 129 publications concluent qu’il
existe une relation entre le tabagisme et le cancer du sein (2). 27 études
concernent aussi le tabagisme passif. A l’inverse, 35 études n’objectivent pas
de relation entre le tabagisme et le cancer du sein. 7 concernent le tabagisme
passif.Ce qui signifie que près de 80 % des publications scientifiques
mondiales confirment non seulement que le tabagisme est un facteur de risque
mais que c’est un facteur de risque majeur du cancer du sein!
Les principales conclusions de ces 129 articles sont les
suivantes ; le tabagisme, actif et passif, actuel ou passé, constitue un
facteur de risque ou un cofacteur du cancer du sein. Il favorise des mutations
génétiques identifiables dans les cellules mammaires qui augmentent le risque
de transformation en cellules cancéreuses. Le tabagisme actif et/ou passif
favorise la survenue plus précoce du cancer du sein avant la ménopause
notamment chez les femmes présentant une susceptibilité génétique. Le risque du
cancer du sein est surtout augmenté lorsque la femme a fumé ou a été enfumée à
l’adolescence et/ou lors de ses grossesses parce que le tissu mammaire est
alors beaucoup plus sensible à l’action des cancérigènes de la fumée de
cigarette.
Le tabagisme actif et passif augmente la gravité de la maladie,
les complications et la résistance à la chimiothérapie et à la radiothérapie,
les complications post-chirurgicales, les récidives et la mortalité liée au
cancer du sein ou à d’autres pathologies liées au tabagisme. Le risque d’un
cancer du sein est plus élevé chez des femmes dont le conjoint fume et s’il a présenté
un cancer notamment du poumon. De même, une femme a plus de risque de présenter
un cancer du sein si elle a elle-même présenté un cancer du poumon. Le
tabagisme augmente la survenue d’un cancer du poumon après une radiothérapie
pour cancer du sein. Le tabagisme augmente le risque de métastases pulmonaires
des femmes présentant un cancer du sein.
Devant cette
déferlante de preuves scientifiques, la décision de l’HAS est pour le moins
irresponsable compte tenu des graves conséquences en terme de santé publique
qui en découlent. Et déjà, dans la presse, comme une trainée de poudre, l’on
assure que le tabagisme ne favorise pas le cancer du sein alors que 4
publications scientifiques sur 5 affirment le contraire!
La justification de sa décision est qu’il existe des études qui ne
montrent pas de lien entre le tabagisme actif et le cancer du sein. Mais, c’est
le cas dans tous les domaines scientifiques et surtout dans le domaine de la
pathologie liée au tabagisme !
En effet, tous les spécialistes du tabagisme savent que
l’industrie du tabac a payé et continue de payer des milliers de médecins
et de scientifiques dans le monde pour produire des publications basées sur des
études falsifiées afin de nier ou minimiser les conséquences du tabagisme actif
et passif (3-4). Des millions de documents internes, provenant des archives de
l’industrie du tabac, ont été saisis lors des procès aux Etats-Unis. Ce qui a
permis de découvrir l’ampleur de la corruption du monde scientifiquemais aussi du monde politique.
En 1998, Déborah E. Barnes a passé en revue 106 articles, publiés
entre 1980 et 1995, traitant des effets sur la santé du tabagisme passif, afin
d'étudier pourquoi certains articles arrivent à des conclusions contraires à
celles reconnues par le consensus scientifique. La conclusion de l'étude est
sans ambiguïté : l'affiliation de leurs auteurs à l'industrie du tabac est
le seul facteur qui distingue les articles qui présentaient des
conclusions diamétralement opposées (3).
En Suisse, le Professeur Ragnar Rylander, spécialiste de santé
publique, a été payé pendant toute sa carrière par Philip Morris pour trouver
d’autres causes plausibles que le tabagisme dans la survenue des cancers
notamment du poumon. Ses publications falsifiées sont toujours référencées dans
les bases de données scientifiques alors qu’il a été exclu de l’université de
Genève !
Le docteur Franck Sullivan en Angleterre a minimisé le rôle du
tabagisme passif dans la survenue de la mort subite du nourrisson. Il a été
retrouvé dans les archives une de ses publications avec les corrections
proposées dans la marge par un responsable de Philip Morris (5). Cet article qui a été
cité dans des dizaines articles scientifiques, a durablement altéré le jugement
des médecins, des chercheurs et des autorités sanitaires sur les risques réels
de l’exposition à la fumée passive pour le nourrisson. Ce qui a retardé
l’avertissement des parents fumeurs et a maintenu une mortalité élevée par mort
subite du nourrisson.
L’analyse des études qui ne retrouvent pas de relation entre le
tabagisme et le cancer du sein, montre l’existence bien plus fréquente de biais
méthodologiques qui sont à l’origine de conclusions erronées. Par exemple, il n’est pas rare que dans les questionnaires
d’évaluation de l’intoxication tabagique, une seule question soit posée du
genre « fumez-vous ? ». Bien évidement, si le patient a
arrêté de fumer la veille ou un mois auparavant, il n’est pas inclus dans le
groupe « fumeur ». Ce qui est un moyen facile de fausser l’analyse
statistique en faisant disparaître les différences significatives entre le
groupe « fumeur » et « non-fumeur » qui comprendra en fait
de nombreux ex-fumeurs.
Par conséquent, ne pas de tenir compte de la réalité des
publications falsifiées et/ou biaisées lorsqu’on réalise une analyse de la
littérature scientifique concernant le tabagisme, c’est accepter d’officialiser
et de participer à la diffusion des désinformations produites par l’industrie
du tabac. De toute manière, les preuves des liens entre le tabagisme et le
cancer du sein restent largement prépondérantes et ne pouvaient en aucun cas
aboutir à une telle négation de la part de la Haute Autorité de Santé.
Aux Etats-Unis, il y a déjà 9 ans, avec moins de données
scientifiques, l’Agence Américaine de Protection de l’Environnement (APE) avait
statué que le tabagisme actif et passif constitue un facteur de risque du
cancer du sein (6). D'autres pays comme le Canada et
l'angleterre ont aussi confirmé les relations entre tabagisme actif-passif et
cancer du sein.
De plus, l’INSERM vient de confirmer en mars 2014 sur son site que
l’association entre le tabagisme et le cancer du sein ne fait plus de doute (7). Se référant à une étude multicentrique sans précédent qui
a impliqué 46 scientifiques de 11 pays européens et l’inclusion de 320 000
femmes, Laure Dossus et ses collaborateurs concluent qu’en terme de cancer du
sein « le tabagisme passif est aussi toxique que le tabagisme actif » (8). Le Pr David Khayat, concérologue, a effectué
une intervention sur France 2 le 25 mars 2014 pour confirmer les
résultats de l'étude de l'INSERM et expliquer pourquoi les fumées inhalées
favorisent une multitude de cancers y compris le cancer du sein. Il est d’ailleurs surprenant que les responsables français de
cette publication magistrale soient restés silencieux après la déclaration de
Jean-Luc Harousseau qui a décidé d’ignorer leurs travaux sans autre forme de
procès et que l'annonce de l'HAS survienne juste après l'annonce de
l'INSERM.
Compte tenu de l’importance des preuves scientifiques, la décision
de la Haute Autorité de Santé de nier que le tabagisme est un facteur de risque
du cancer du sein est incompréhensible et inacceptable parce qu’elle constitue
un préjudice considérable pour la santé des femmes en France. Je demande au
Ministère de la Santé l’annulation des conclusions iniques de ce rapport et la
reconnaissance officielle du tabagisme actif et passif comme un facteur de
risque du cancer du sein.
Ce qui permettra une prévention mieux ciblée et un dépistage plus
précoce du cancer du sein chez les femmes à très haut risque qui devra inclure
celles qui ont fumé ou qui ont été enfumées au cours de leur existence.
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