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vendredi 8 mai 2015

Lutte anti tabac: Phillip Morris attaque l’Uruguay



Le géant de l'industrie du tabac attaque en justice le petit Etat de 3,4 millions d'habitants pour le forcer à alléger sa législation anti-tabac, réputée comme l'une des plus sévère au monde.
En matière de lutte contre le tabagisme, l'Uruguay est considéré comme le champion toutes catégories. Le pays d'Amérique latine collectionne les lois restrictives : interdiction de fumer dans les lieux publics, augmentation des taxes, limitation à un seul produit par marque, impression de messages antitabac sur 80% de la surface des paquets... À la fin de l'année dernière, le gouvernement a même renforcé la législation?: taxes augmentées, interdiction de toute publicité ou même de placer les paquets de cigarettes à la vue du public dans les bureaux de tabac.
" Si un client nous demande quelles marques nous avons, nous n'avons pas le droit de le leur dire ", explique un kiosquier de la gare routière de Tres Cruces dans La Croix. Les contrôles sont particulièrement stricts. Ils sont effectués par la Cooperativa 21 de Octubre, qui emploie... d'anciens salariés de l'usine de Philip Morris, fermée en 2011. Et les résultats sont visibles : le pourcentage de fumeurs adultes est passé de 32 % en 2006 à quelque 23 % en 2014. Chez les plus jeunes, le taux de lycéens fumeurs est retombé à 15 %.

Philip Morris International, dont le siège est à Lausanne (Suisse), a lancé une action judiciaire contre l'Uruguay en 2010 devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), un tribunal d'arbitrage qui dépend de la Banque mondiale. L'entreprise assure que le gouvernement uruguayen porte atteinte, avec sa législation anti-tabac à sa quête de profit. Notamment parce qu'elle a été obligée de retirer sept des 13 produits qu'elle vendait en Uruguay.
La firme du tabac pointe du doigt un traité de protection des investissements signé avec la Suisse en 1988. Cet accord place sur le même plan juridique les multinationales et les États, à l'image du traité de libre-échange transatlantique (TAFTA) en cours de négociation en occident. Dans les pays soumis à ces accords bilatéraux, les sociétés privées internationales peuvent attaquer un gouvernement si des lois restreignent la recherche de profit.
Philip Morris réclame 22 millions de dollars de dédommagements à l'Uruguay. La décision du CIRDI devrait être rendue publique à partir du début de l'année 2016. Mais dans presque tous les cas, cette institution a tranché en faveur des entreprises.
Selon les organisations de lutte anti tabac, « Le but de Philip Morris est de donner une leçon à l’Uruguay, héraut de la lutte contre le tabagisme, et de faire peur aux autres pays en voie de développement qui voudraient suivre son exemple. » Et de faire jurisprudence auprès des instances internationales d’arbitrage.
Etats et multinationales à égalité
Les accords bilatéraux de protection des investissements, comme justement celui prévu par le traité de libre-échange transatlantique (Tafta) en cours de négociation, permettent de placer sur un pied d’égalité les firmes internationales et les États souverains.
Les premières peuvent poursuivre les seconds si elles jugent que certaines lois menacent leurs profits. Même si ces lois ont été votées pour protéger la santé ou l’environnement.
La législation antitabac uruguayenne est une des plus restrictives au monde. Depuis 2006, l’oncologue Tabaré Vázquez, alors président du pays (il reprendra ses fonctions dimanche 1er mars, en remplacement de José Mujica) en a fait son cheval de bataille: interdiction de fumer dans les lieux publics, augmentation des taxes, limitation à un seul produit par marque, impression de messages antitabac sur 80 % de la surface des paquets…

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