Le géant de l'industrie du tabac attaque en justice
le petit Etat de 3,4 millions d'habitants pour le forcer à alléger sa
législation anti-tabac, réputée comme l'une des plus sévère au monde.
En matière de lutte contre le tabagisme, l'Uruguay est
considéré comme le champion toutes catégories. Le pays d'Amérique latine
collectionne les lois restrictives : interdiction de fumer dans les lieux
publics, augmentation des taxes, limitation à un seul produit par marque,
impression de messages antitabac sur 80% de la surface des paquets... À la fin
de l'année dernière, le gouvernement a même renforcé la législation?: taxes
augmentées, interdiction de toute publicité ou même de placer les paquets de
cigarettes à la vue du public dans les bureaux de tabac.
" Si un client nous demande quelles marques nous
avons, nous n'avons pas le droit de le leur dire ", explique un kiosquier
de la gare routière de Tres Cruces dans La Croix. Les contrôles sont
particulièrement stricts. Ils sont effectués par la Cooperativa 21 de Octubre,
qui emploie... d'anciens salariés de l'usine de Philip Morris, fermée en 2011.
Et les résultats sont visibles : le pourcentage de fumeurs adultes est passé de
32 % en 2006 à quelque 23 % en 2014. Chez les plus jeunes, le taux de lycéens
fumeurs est retombé à 15 %.
Philip Morris International, dont le siège est à
Lausanne (Suisse), a lancé une action judiciaire contre l'Uruguay en 2010
devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux
investissements (CIRDI), un tribunal d'arbitrage qui dépend de la Banque
mondiale. L'entreprise assure que le gouvernement uruguayen porte atteinte,
avec sa législation anti-tabac à sa quête de profit. Notamment parce qu'elle a
été obligée de retirer sept des 13 produits qu'elle vendait en Uruguay.
La firme du tabac pointe du doigt un traité de
protection des investissements signé avec la Suisse en 1988. Cet accord place
sur le même plan juridique les multinationales et les États, à l'image du
traité de libre-échange transatlantique (TAFTA) en cours de négociation en
occident. Dans les pays soumis à ces accords bilatéraux, les sociétés privées
internationales peuvent attaquer un gouvernement si des lois restreignent la
recherche de profit.
Philip Morris réclame 22 millions de dollars de
dédommagements à l'Uruguay. La décision du CIRDI devrait être rendue publique à
partir du début de l'année 2016. Mais dans presque tous les cas, cette
institution a tranché en faveur des entreprises.
Selon les organisations de lutte anti tabac, « Le
but de Philip Morris est de donner une leçon à l’Uruguay, héraut de la lutte
contre le tabagisme, et de faire peur aux autres pays en voie de développement
qui voudraient suivre son exemple. » Et de faire jurisprudence
auprès des instances internationales d’arbitrage.
Etats et
multinationales à égalité
Les accords bilatéraux de protection des
investissements, comme justement celui prévu par le traité de libre-échange
transatlantique (Tafta) en cours de négociation, permettent de placer sur un
pied d’égalité les firmes internationales et les États souverains.
Les premières peuvent poursuivre les seconds si elles
jugent que certaines lois menacent leurs profits. Même si ces lois ont été
votées pour protéger la santé ou l’environnement.
La législation antitabac uruguayenne est une des plus
restrictives au monde. Depuis 2006, l’oncologue Tabaré Vázquez, alors président
du pays (il reprendra ses fonctions dimanche 1er mars, en remplacement de
José Mujica) en a fait son cheval de bataille :
interdiction de fumer dans les lieux publics, augmentation des taxes, limitation
à un seul produit par marque, impression de messages antitabac sur 80 % de
la surface des paquets…
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