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lundi 23 septembre 2013

Cigarette électronique : pourquoi tant d'études contradictoires ?

Certaines études pointent son efficacité supérieure au patch pour arrêter de fumer. D'autres dénoncent les risques de ses vapeurs pour la santé. La cigarette électronique suscite la controverse. La France a pris des mesures contre ce petit appareil en vogue alors que sa dangerosité n'est pas encore démontrée. Explications.

Pas de goudron, pas d'odeur de tabac et peu de nicotine. Les Français sont de plus en plus nombreux à "vapoter". Mise au point en Chine en 2004, la cigarette électronique compterait 500.000 adeptes en France. Mais y a-t-il des risques pour la santé ? Pour le moment, difficile de le savoir. Les députés ont voté en juin l'interdiction de la vente de cigarettes électroniques aux mineurs. En mars, Marisol Touraine, ministre de la Santé, avait annoncé avoir "commandé une enquête" sur ce produit qui ne fait l'objet d'aucun contrôle sanitaire. Objectif : évaluer le "bénéfice-risques".
Si elles ne contiennent ni tabac ni goudron, les cigarettes électroniques comportent différents solvants, comme le propylène glycol et la glycérine. Le premier est un additif chimique longtemps utilisé dans les traitements contre l'asthme. Il est ainsi classé par la Food and Drug administration (FDA) des Etats-Unis parmi les "substances généralement reconnues comme inoffensives". Ce produit est aussi utilisé dans l'alimentaire comme émulsifiant dans les sauces et assaisonnements. La glycérine, elle, est également utilisée en pharmacologie, dans les cosmétiques ou dans l'alimentaire. Les spécialistes s'interrogent pourtant sur l'impact à long terme de ces solvants sur la santé.

Des études contradictoires
Il n'existe encore que peu d'études sur le sujet. Et elles ne disent pas la même chose. Certaines révèlent les effets bénéfiques de la cigarette électronique, notamment sur le risque cardiaque ou sur le sevrage tabagique comme cette étude néo-zélandaise parue dimanche 8 septembre dans la revue britannique The Lancet qui "suggère que la cigarette électronique est comparable au patch à la nicotine pour aider les fumeurs à arrêter sur une période d'au moins six mois". Dans une autre étude parue en août 2012, des médecins grecs ont présenté les résultats d'une enquête qui a montré que substituer des fausses cigarettes aux vraies pourrait être bénéfique pour le cœur. Un autre essai publié en 2011 dans la revue BMC Public Health a montré son impact pour arrêter de fumer. Selon Jean-François Etter, professeur en santé publique à l'université de Genève interrogé par Le Figaro, "il est probable que la cigarette électronique diminue les symptômes du sevrage, comme l'irritabilité, les troubles du sommeil, la prise de poids, l'impatience (..) De plus, elle procure un soulagement rapide".
A l'inverse, d'autres études sont plus réservées. Dans l'une d'entre elles, parue en 2010, des chercheurs de la FDA ont révélé la présence dans certaines recharges, de deux molécules utilisées dans des médicaments  : le rimonabant et l'amino-tadalafil. Le premier est un anti-obésité dont des études auraient montré qu'il pourrait favoriser le sevrage tabagique, mais qu'il serait aussi responsable de troubles dépressifs et suicidaires, indique Sciences et Avenir. Quant à l'amino-tadalafil, il s'agit d'un dérivé du tadalafil, la molécule utilisée contre les troubles de l'érection dans le Cialis, concurrent du Viagra.
Un rapport commandé par l'OMS (Organisation mondiale de la santé), et rendu public en novembre 2012, révèle, lui, la présence de dix substances toxiques et indique qu'"il pourrait y avoir des discordances entre la teneur en nicotine selon l'étiquetage et les valeurs réelles".
Enfin, selon une autre étude parue en août dernier, les e-cigarettes "peuvent émettre des composés potentiellement cancérogènes", assure la revue 60 millions de consommateurs de septembre qui a testé une dizaine de modèles, jetables ou rechargeables, et a alerté les autorités sur des défauts d'étiquetage.

Trop de nicotine dans certaines cigarettes électroniques
Justement. Les cigarettes électroniques peuvent en fait contenir des quantités importantes de nicotine. Des mesures faites par l'Afssaps ont montré que les recharges pouvaient contenir jusqu'à 17 mg/ml de nicotine, un produit dangereux à faibles doses. Dans un avis du 30 mai 2011, l'agence française a ainsi recommandé "de ne pas consommer ce type de produit".
Autre source d'inquiétude : le flou juridique qui entoure la fabrication et la commercialisation de la cigarette électronique qui n'est soumise à aucune législation. L'agence du médicament (ANSM) recommande elle aussi depuis 2011 de ne pas utiliser les cigarettes électroniques, soulignant que selon leur concentration en nicotine, elles ne peuvent être considérées comme des médicaments ou des produits de consommation courante. Mais aucun fabriquant n'a à ce jour déposé de demande d'autorisation de mise sur le marché en tant que médicament, relève l'agence.

Un genre de produit d'initiation pour les jeunes
"J'ai demandé à mes services de me dire très précisément de quel type de produit il s'agit", a indiqué Marisol Touraine. Pour Bertrand Dautzenberg, spécialiste du poumon à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, il faudrait créer une "catégorie spéciale" pour les produits autres que le tabac contenant de la nicotine et interdire leur vente aux mineurs. Car la principale crainte des tabacologues interrogés est que la cigarette électronique devienne un produit d'initiation pour les jeunes. Selon une étude récente, 64% des jeunes de 12 à 14 ans qui avaient essayé la cigarette électronique n'avait encore jamais fumé auparavant, souligne le Pr Dautzenberg.
Son efficacité pour arrêter de fumer tout comme sa nocivité font l'objet d'un vaste débat chez les tabacologues. Si certains conviennent qu'elle est vraisemblablement moins nocive que la vraie cigarette, la plupart relèvent qu'ils ne disposent pas de suffisamment d'études à ce stade pour se prononcer. "Nous n'avons pas assez de recul", reconnaît le Pr Bertrand Dautzenberg, qui souligne qu'il n'existe actuellement aucune étude sur des patients utilisant le produit depuis plus de six mois. "Ma recommandation est que si vous êtes un gros fumeur, c'est peut-être bien de passer à la cigarette électronique, mais ne l'utilisez pas trop longtemps" ajoute-t-il.

Même réticence chez le Dr Yves Nadjari, cardiologue tabacologue attaché à l'hôpital Cochin à Paris : "Si quelqu'un a réussi à arrêter de fumer avec la cigarette électronique c'est bien, mais on déconseille aux gens de mettre un pied dans la cigarette électronique". "Nous avons très peu de données sur son impact sur la santé à court, moyen et long terme", renchérit la tabacologue Nadia Lahlou.

1 commentaire:

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