Comme un Bâtonnet qu’on n’aurait pas allumé, la loi anti tabac au Cameroun ne s’est pas encore embrasée, car, elle est reléguée au second plan par les autorités en place. Pourtant, le pays a ratifié la convention-cadre de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour la lutte anti tabac (CCLAT) en 2006 et les textes de lois préparés en 2010 suite à cette ratification ne sont toujours pas présentés au Parlement. Et pendant ce temps, le tabagisme continue de faire des ravages dans notre pays en prenant des proportions de plus en plus inquiétantes.
Pour les cancérologues camerounais, il ne fait aucun doute. Le tabac est « le principal facteur de risque du cancer ». En effet, selon l’Oms, la cigarette est citée dans presque 20 à 30 % des cancers, des maladies cardio-vasculaires et des maladies respiratoires. « C'est quelque chose qu'il faut combattre à tous les niveaux, surtout le cancer du poumon où les preuves ont été apportées que le tabac est la principale cause » apprend-on du Comité national de lutte contre le cancer. A cette liste l’association Sochimio (Solidarité chimiothérapie) y greffe tous les cancers au niveau de la cavité buccale, de la gorge, de l'œsophage, mais également d'autres qui semblent éloignés du contact direct avec la fumée de cigarette comme le cancer du sein, celui du col de l'utérus où ce facteur de risque est également retrouvé. « Il y a des estimations qui fixent à 15% le nombre de malades du cancer dû au tabac et montrent que la prévalence est très élevée chez les jeunes et les femmes ».
Tabac et scolarisation
Dans les établissements scolaires, le tabac semble avoir trouvé écho favorable auprès des élèves. En effet, 44% des élèves camerounais ont déjà eu un contact avec la cigarette, dont 5 % avant l’âge de 7 ans. On se souvient encore que près de 37 élèves avaient été renvoyés des établissements scolaires pour consommation de drogue et tabac.
Suite des institutions confessionnelles comme le collège la Retraite on fait des causeries éducatives avec les élèves sur la question du tabac. Au sortir de cet entretien, les élèves ont montré leur inquiétude face à cette épidémie. « Dans les bâtiments qui accueillent les élèves du premier cycle, il nous arrive parfois de surprendre des élèves en train de fumer dans les classes, même s'ils savent les risques encourus». confie Roger Onana, étudiant en Seconde C. A sa suite Martine Essama élève au Lycée de Ngoa-Ekelle ne cache pas son inquiétude face à ce qu'elle qualifie de « montée en puissance de la cigarette » dans son école.
L’élève de terminale littéraire confie que « Les élèves ne fument pas dans l'enceinte de l'école mais aux alentours, notamment dans le jardin public qui jouxte l’établissement. Ceci d’autant plus que l’école n’est totalement dans un enclot ». Avant de continuer d’un air pensif : « J'ai une copine âgée de 18 ans qui fume depuis quatre ans ». A l'en croire, « cette fille est entrée dans la cigarette par la faute de son père qui, à chaque fois qu'il terminait de fumer, lui remettait le reste du tabac pour qu'elle le jette à la poubelle. Une occasion qu'elle saisissait pour assouvir sa curiosité jusqu'à devenir prisonnière de la cigarette ».
Le refrain est le même chez quelques élèves du Lycée Bilingue d’Essos. Un groupe de jeune garçon du dit établissement rencontré à l’arrêt taxi confirme la présence de la cigarette dans la frange jeune. Une situation qu'ils expliquent par un effet de mode, la curiosité, l'influence des amis et l’augmentation des restaurants qui offrent en apéritif de la Chicha.
Cependant les garçons ne manquent de jeter un regard accusateur sur les encadreurs qui, à leur avis, doivent être plus regardant envers les adolescents.
Payer moins et fumer plus
Au Cameroun, le commerce de la cigarette se fait sans aucun contrôle. La cigarette est vendue dans toutes les boutiques de quartiers, les étals des vendeurs de fruits, dans les call-box, dans les bars... Même un enfant qui se présente avec sa pièce de monnaie devant un vendeur de cigarette peut en disposer sans contrainte. A cela, il faut ajouter le fait que les prix du tabac au Cameroun défient toute concurrence, 15 Fcfa le bâton. Ce qui fait que certains dans une situation que d’aucun qualifie de « payer moins pour plus de plaisir et un maximum de destruction ».
Une loi pour arrêter l’hécatombe
Au Cameroun, l'industrie du tabac semble être redoutée par le gouvernement. Ceci malgré les nombreuses campagnes de sensibilisation et de plaidoyer fait auprès des autorités camerounaises la législation anti tabac semble avoir été relayé au second plan et l’Etat continue de soutenir la culture du tabac.
Malgré cet environnement très complexe, les acteurs ne baissent pas les bras. C’est le cas de la Coalition Camerounaise Contre le Tabac (C3T) du Dr Flore Ndembiyembé, une icône de la lutte anti tabac au Cameroun. Pour elle, il est important d’un coté d’informer les populations sur les méfaits du tabac et d’autre par des les protéger en adoptant une loi anti tabac forte. D'où le programme de la C3T qui ne vise qu'à l’adoption de cette loi qui contient tout ce qu'il faut faire pour lutter contre la cigarette»
Lenteurs administratives un frein
« Les acteurs de la lutte contre le tabac font de l'activisme parce qu'ils savent très bien que l’avant projet de loi est à la Présidence ». C'est l'avis du ministère de la Santé publique. Des actions sont menées en ce moment par tous les acteurs de la lutte anti tabac pour que l’avant projet soit transmit au parlement pour son adoption.
Selon le C3T, le projet de loi passe en revue toutes les dispositions de la Convention cadre de l'OMS notamment son article 08 qui traite de la protection contre la fumée du tabac avec l'interdiction de fumer dans les lieux publics pour le bien des non-fumeurs. Dr Flore Ndembiyembe assure que l’avant projet de loi traite beaucoup d'aspects dont les informations à communiquer sur la composition du tabac, la règlementation de ces produits, de l'étiquetage des paquets de cigarette. Entre autres aspects, l’avant projet de loi milite pour l'interdiction de la publicité sur la cigarette, contrer le commerce illicite du produit du tabac notamment la gestion de la contrebande et de la contrefaçon, l'interdiction de la vente aux mineurs et par les mineurs.
Pour certains observateurs, il ne fait aucun doute que l’adoption d’une loi anti tabac au Cameroun est une affaire de volonté politique.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire